RGPD & comptes inactifs : de quoi parle-t-on ?
Avant de cliquer sur “supprimer” ou “archiver”, il faut poser les bases. Qu’est-ce qu’un compte inactif au juste ? Et pourquoi le RGPD y attache autant d’importance ? Spoiler : ce n’est pas parce que la CNIL adore faire du tri dans les fichiers Excel.
Un compte inactif, c’est quoi concrètement ?
Dans la pratique, c’est un utilisateur qui n’a plus eu d’interaction avec vos services depuis un certain temps : il ne se connecte plus, n’ouvre plus vos mails, n’achète rien, ne vous parle pas. Il est là, quelque part dans vos bases, mais il ne bouge plus.
Exemple : un client qui a créé un compte sur votre site en 2018, a passé une commande en 2019… et n’a plus rien fait depuis. Inactif ? Clairement.
Ce que dit vraiment le RGPD
Le RGPD ne dit pas "supprimez tous les comptes inactifs au bout de X années", mais il pose un principe clair :
“Les données personnelles doivent être conservées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées.” (Article 5.1.e)
Autrement dit : pas de finalité = pas de conservation.
Si un compte n’a plus de raison d’exister dans vos systèmes (ni commerciale, ni légale), il doit être supprimé. Sinon ? Vous entrez dans la zone rouge.
👉 Pour aller plus loin : découvrez notre article sur Emailing et CNIL : quelles règles respecter pour rester 100 % conforme.
Donnée inactive ≠ donnée inutile… mais presque
On fait souvent l’erreur de garder les comptes “au cas où”. Mauvaise idée. À moins d’avoir une obligation légale (facturation, garantie, litige, etc.), garder un compte dormant trop longtemps, c’est prendre un risque inutile.
Cas classique : un profil client non actif depuis 5 ans, sans commande, sans contact. Pourquoi le conserver ? Surtout s’il contient une adresse postale, un email personnel ou d’autres informations sensibles.
La CNIL surveille (et sanctionne)
Elle l’a rappelé dans plusieurs mises en demeure : l’absence de politique de suppression des comptes sans activité récente est un manquement au RGPD.
📌 En 2023, plusieurs entreprises françaises ont été épinglées pour avoir conservé des comptes clients inactifs pendant plus de 6 ans, sans justification.
Résultat ? Mise en demeure immédiate, obligation de mise en conformité, et parfois... amende.
Ce que vous devez retenir
- Un compte sans activité récente n’est pas automatiquement à supprimer, mais il doit être évalué.
- Vous devez définir, documenter et justifier votre durée de conservation.
- L’absence de politique = non-conformité.
- Et qui dit non-conformité, dit risque de sanction.
2. Les risques juridiques : ce que vous encourez vraiment
Si vous pensez que garder quelques vieux comptes clients “ne fait de mal à personne”, détrompez-vous. Quand il s’agit de données personnelles, l’inaction peut coûter très cher.
Le cas Twitter : un mauvais exemple qui vaut cher
En 2023, la CNIL a épinglé Twitter France pour ne pas avoir supprimé des comptes depuis plus de 5 ans. Problème ? Ces comptes contenaient encore des données personnelles identifiables.
Résultat :
- Mise en demeure publique,
- Obligation de se mettre en règle sous 2 mois,
- Et une réputation ternie dans la presse et auprès des utilisateurs.
Et ce n’est pas un cas isolé.
Que peut vous reprocher la CNIL ?
Voici les infractions typiques observées :
- La conservation de données sans finalité précise,
- L'absence de politique de suppression ou d’archivage,
- Le manque d'information des utilisateurs sur la durée de conservation,
- Les données sensibles laissées sans protection suffisante.
Tous ces éléments sont des manquements à la conformité RGPD. Et ce sont eux que la CNIL traque activement.
Les sanctions possibles (et elles piquent)
Selon la gravité et la taille de votre entreprise, vous pouvez avoir :
- Une amende administrative (jusqu’à 4% du CA mondial ou 20 millions d’euros),
- Une publication de la sanction, ce qui entraîne un préjudice d’image immédiat,
- Une mise en conformité sous astreinte (avec pénalités financières en cas de retard).
Même pour les PME ou ETI, les conséquences peuvent être lourdes : stress juridique, surcharge de travail, et perte de confiance des clients.
Et votre responsabilité personnelle ?
Si vous êtes responsable conformité ou DPO, vous êtes aussi concerné personnellement. En cas d’audit, on vous demandera :
- Quelle est votre politique interne ?
- Comment les profils inertes sont-ils gérés ?
- Qui décide de la suppression ou de la conservation ?
Et si vous n’avez pas de réponse claire… ça se complique.
Le vrai risque ? Laisser traîner
Ce n’est pas l’erreur technique qui est sanctionnée, c’est l’absence d’action et de procédure. Ne rien faire, c’est déjà être en tort. Heureusement, vous pouvez reprendre la main. Et on va vous montrer comment.
Archiver ou supprimer : que faire des données inactives ?
Suppression ou archivage ? C’est LA grande question. Et spoiler : les deux options sont valables, à condition de respecter certaines règles.
La suppression : la solution “zéro risque”
Supprimer, c’est clair, net, sans bavure. Vous effacez complètement les données personnelles : plus rien dans les bases, plus de traitement, plus de responsabilité.
C’est l’option recommandée :
- Quand l’utilisateur n’a plus d’activité depuis longtemps (ex : +36 mois),
- Quand vous n’avez aucune obligation légale de conserver ses infos,
- Quand la donnée n’a aucune valeur business pour vous.
Mais attention : qui dit suppression dit aussi traçabilité. Vous devez pouvoir prouver que vous avez bien supprimé, quand, et comment. Gardez une trace anonymisée ou horodatée.
L’archivage : la solution intermédiaire
Vous avez encore besoin de certaines données ? Par exemple, pour :
- Répondre à une obligation comptable (factures),
- Gérer un contentieux potentiel,
- Préserver une trace légale ?
Vous pouvez archiver les données au lieu de les supprimer. Mais ce n’est pas une archive “à l’ancienne” en dossier papier : elle doit être sécurisée, chiffrée, et inaccessible au traitement courant.
Exemple : stocker les infos dans une base à accès restreint, hors du CRM, avec un système de purge programmé à terme.
Quelle durée de conservation adopter ?
Il n’existe pas de durée universelle, mais voici quelques repères :
- Un compte client sans activité récente : 3 ans maximum sans activité → suppression ou anonymisation.
- Les factures, documents comptables : 10 ans.
- Les données liées à un litige : jusqu’à la clôture de l’affaire.
Le plus important : documentez tout dans votre politique interne.
En résumé :

Dans la suite, on vous explique comment mettre en place une vraie politique claire et conforme, sans transformer votre service juridique en usine à gaz.
Implémenter une politique interne claire
Pas de conformité RGPD sans règles internes solides. Si vous voulez éviter les sanctions, protéger les données personnelles et garder la main sur votre base clients, il vous faut une vraie politique de gestion des profils inertes.
Et non, ce n’est pas juste une note dans un coin de votre drive.
Pourquoi une politique ? Pour prouver que vous maîtrisez
Imaginez : un contrôle CNIL tombe, et on vous demande :
- Quels sont vos délais de conservation ?
- À partir de quand un compte est-il considéré comme inactif ?
- Comment est-il supprimé ou archivé ? Par qui ? À quelle fréquence ?
Sans procédure écrite, c’est flou. Avec une politique claire, vous montrez que vous maîtrisez vos données.
Que doit contenir votre politique ?
Voici les incontournables à inclure :
- Une définition de l’inactivité (ex : aucune action depuis 24 mois),
- Des délais de conservation selon les types de données (ex : 3 ans pour les comptes non utilisés ),
- Des processus de suppression ou d’archivage (automatique ou manuel ?),
- Des responsables internes de la mise en œuvre (IT, juridique, marketing ?),
- Une fréquence de vérification et de purge (trimestrielle ? semestrielle ?),
- Une traçabilité et documentation des actions réalisées,
- Une communication avec les clients (mails, mentions dans la politique de confidentialité…).
Et bien sûr : gardez votre politique à jour, surtout si votre outil ou votre CRM évolue.
Exemple de règle simple et efficace
“Tout compte client non utilisé depuis plus de 36 mois, sans obligation légale de conservation, est automatiquement supprimé après information du client. Les données nécessaires à des obligations fiscales ou juridiques sont archivées dans un environnement sécurisé et restreint.”
Claire, opérationnelle, conforme. Vous n’avez pas besoin d’un roman, juste d’un cadre clair.
Impliquez les bonnes personnes
Votre politique ne doit pas être un document fantôme. Faites-la vivre avec :
- Le DPO (ou référent conformité),
- Les équipes IT (pour l’automatisation),
- Le service client (qui informe les utilisateurs),
- Et la direction (qui valide les règles).
Un vrai travail d’équipe pour faire des bonnes pratiques RGPD un réflexe quotidien.
Mettre en place des outils et services adaptés
OK, vous avez la théorie. Maintenant, parlons pratique : comment appliquer tout ça sans y passer vos nuits ? Spoiler : il existe des outils simples et efficaces pour automatiser la gestion des comptes dormants.
Plugins & modules pour la suppression automatique
Selon votre stack technique, vous pouvez ajouter des plugins ou modules pour :
- Détecter automatiquement l’inactivité (basée sur la date de dernière action),
- Envoyer des notifications ou mails de rappel,
- Supprimer ou archiver les données après X jours d’inactivité.
Exemples :
- WordPress / WooCommerce : extensions RGPD comme Delete Me ou GDPR Tools
- CRM (HubSpot, Salesforce) : workflows d’automatisation personnalisés
- Prestashop / Shopify : modules de purge clients et consentement intégré
Ces plugins permettent de gérer la conservation, suppression, consentement et la traçabilité de vos actions, sans tout faire à la main.
Services SaaS spécialisés RGPD
Il existe aussi des services SaaS qui vous aident à :
- Identifier les données obsolètes,
- Vérifier si vos bases respectent les règles du RGPD
- Générer des rapports pour les audits CNIL.
Quelques noms à connaître :
- Didomi, Data Legal Drive, OneTrust, Privacore…
Ces outils sont particulièrement utiles pour les structures avec beaucoup de données ou une base clients étendue.
Sécurité, traitement et conformité : un trio indissociable
N’oubliez pas : supprimer ou archiver des données implique aussi de les protéger.
- Stockage chiffré,
- Accès restreint,
- Journalisation des actions (qui a fait quoi, quand).
Chaque plugin ou module que vous utilisez doit être évalué sur ces critères. Un outil mal configuré peut faire plus de mal que de bien.
Mettez en place un pilotage par étapes :
- La sélection d’un outil adapté à votre plateforme,
- Le paramétrage de vos seuils d’inactivité,
- La phase de test sur une partie de la base
- Le suivi des suppressions / les archivages automatiques,
- L’ajustement de la politique selon les résultats.
Une fois rôdé, le système tourne en autonomie. Et vous, vous êtes conforme, tranquille, et prêt pour l’audit CNIL.